1. La créativité
Le product management s’apparente davantage à un processus de création (de produit) que d’orchestration (d’équipe produit). A l’origine de tout produit, une personne crée un objet tangible qui vient donner vie à une idée. Ce processus de création matérialise le problème que l’on essaie de résoudre. Il offre un objet d’interaction qui permet à chacun de projeter sa propre compréhension. Or, pour créer un objet, il faut savoir à la fois utiliser des outils et raconter des histoires, indépendamment du talent dont on dispose dans l’une ou l’autre de ces disciplines. C’est le principe même du design thinking et du prototypage qui permettent à tout un chacun de montrer sans avoir besoin de raconter. A minima, tout membre d’une équipe produit qui estimerait ne pas avoir le moindre esprit créatif se doit de respecter les horaires et la façon de travailler des autres personnes de son équipe.
Par exemple, si un proxy PO peine à comprendre les règles de gestion liées à une maquette UI au moment de rédaction d’une user story et des spécifications fonctionnelles, il est préférable de remonter ses questions dans l’outil le plus approprié, sous forme de ticket (ex : JIRA) ou de commentaires (ex : Figma), plutôt que d’interrompre constamment les designers UI en plein milieu d’un exercice créatif, qu’il s’agisse de design ou d’animation d’atelier.
2. Une vision transverse
Ce que l’on a nommé la sensibilité produit se trouve à l’intersection de trois dimensions : le business, la technologie et l’UX. Cela ne signifie pas qu’une personne doit d’être experte ou équitablement compétente dans ces trois dimensions. Pour reprendre les mots de Martin Eriksson, il faut être « expérimenté dans au moins une dimension mais passionné par les trois ». Si l’on souhaite prioriser une feature plutôt qu’un autre, il est par exemple essentiel de comprendre que l’une d’entre elles pourrait être répliquée sur plusieurs pays (donc avec un ROI potentiel plus élevé pour un coût de développement iso), alors qu’une autre fonctionnalité dédiée à un pays uniquement, même si elle a de la valeur sur le plan de l’expérience, aurait moins d’impact de manière globale.

Si l’on prend l’exemple d’un grand groupe qui souhaiterait refondre un site e-commerce en s’appuyant sur une nouvelle équipe produit spécialement constituée pour la phase de build, on pourrait dresser plusieurs portraits de profils pertinents : un chef de projet technique expérimenté qui connaît parfaitement le secteur et qui a déjà participé à des exercices de design sprint, un product owner expérimenté qui a officié dans une startup ou scaleup du même secteur, ou encore un expert de la recherche utilisateur qui s’est amusé à créer une app dans son temps libre.
3. Le pragmatisme
Un des aspects les plus délicats du product management réside dans la nécessité de prendre des décisions dans des environnements complexes. Il est parfois difficile de renoncer à certaines idées, même quand on est convaincu que c’est la bonne chose à faire. Pour cela, il faut avoir une vision long terme qui aidera à faire des choix. A l’inverse, il faut du courage pour dire oui quand il est question de « sauter dans le vide » en lançant une fonctionnalité qu’aucun de ses concurrents n’a expérimenté auparavant. Si un responsable produit confronté à ce type de décisions se doit d’avoir des principes clairs, sa tâche sera facilitée si d’autres membres de son équipe apprécient la difficulté de ces situations et lui témoigne leur confiance pour faire le bon choix.
Chez un des clients que nous avons accompagné dans le développement du MVP de leur nouveau site, l’ajout d’une nouvelle ressource (value proposition manager) et la nomination d’un nouveau sponsor (responsable marketing digital) ont permis de faire des arbitrages entre la complexité technique, l’expérience utilisateur et le besoin exprimé par le métier dès que nécessaire. Chez un autre client, le mandat d’arbitrer dans ces mêmes situations a été confié à un « comité produit » composé du chef de projet, du PM, du chapter produit (c’est-à-dire tous les PO & PPO du projet au sens large), du PM et d’un UX researcher.
4. L’alternance entre pensée divergente et convergente
Les grands spécialistes des produits sont capables de faire varier leur mode de pensée en fonction de l’objectif recherché. Ils savent passer d’une macro-vision à une micro-orientation. On retrouve notamment ces mécanismes de pensée dans les processus de brainstorming associés au design thinking : on commence par élargir le champ de réflexion en considérant des solutions inhabituelles ou idées décalées (sans permettre la critique) avant de se limiter à une solution. Une équipe produit qui compte un grand nombre d’esprits, tout aussi à l’aise en pensée divergente que convergente, saura s’appuyer sur l’intelligence collective pour faire émerger les meilleures idées.
Par exemple, un de nos clients confronté à la problématique de refonte d’un site a opté pour une approche en 4 étapes : un atelier de brief des équipes UX par le responsable produit en présence de toutes les parties prenantes (pensée divergente), un atelier de restitution des user journeys et wireframes (pensée convergente), un système de tickets JIRA et une messagerie de groupe pour permettre au métier et à la technique de challenger les propositions UX (pensée divergente), et enfin un atelier de présentation aux sponsors métiers pour valider les wireframes finaux (pensée convergente).
Toute organisation qui est à l’étape du passage à l’échelle en matière d’agilité se trouve un jour ou l’autre confrontée à la problématique de sous-performance de ses équipes produit. Les premiers réflexes des décideurs sont alors de se demander quelles compétences additionnelles injecter à l’équipe, quelles cérémonies agiles redéfinir, vers quel schéma organisationnel évoluer pour redynamiser l’équipe, etc. Bien que toutes ces interrogations soient justes et légitimes, il est souvent très opportun de se questionner avant toute chose sur la compréhension et l’adhésion des équipes à la vision et la roadmap produit. Bâtir, diffuser et entretenir une culture produit au sein de l’équipe est un prérequis trop souvent mésestimé.
Si vous paniquez à l’idée d’avoir raté le coche au moment de constituer votre équipe, rassurez-vous car il n’est jamais trop tard pour confier le « mandat » de product management (remontée des points d’attention, arbitrages, définition des OKRs,…) à une personne ou un groupe qui possède les quatre qualités citées plus haut.
Identifier un membre de l’équipe, ajouter une nouvelle ressource au dispositif existant ou encore créer une nouvelle instance de gouvernance constituent autant d’options possibles pour aligner l’équipe sur des objectifs communs et redonner du sens à tous.

