Tribune publiée sur LSA le 27 mars 2019, disponible en intégralité ici > https://bit.ly/2HSrIfG
Pourquoi des marques comme Jimmy Fairly dans l’optique ou Teddybear dans la literie ont-elles réussi à s’imposer en quelques années ? Ces marques qualifiées de DNVB, digital native vertical brands, sont en fait en train d’opérer une révolution majeure. Elles ont repensé le marketing et la distribution, mais elles ont aussi inventé une nouvelle manière de concevoir leurs produits. Les acteurs traditionnels feraient donc bien de s’en inspirer, au risque de se trouver ringardisés dans ce 21ème siècle naissant.
Investir sérieusement dans le e-commerce
La vente directe est au cœur du succès de DNVB. Ce modèle permet d’économiser sur les coûts de distribution et donc de réinvestir massivement dans un marketing digital intelligent. Mais ce n’est pas tout. En rayonnant sur un spectre international, les DNVB peuvent également développer une offre clivante mais irrésistible pour une cible donnée. Foodsping s’intéressent par exemple aux amateurs de fitness, de vegan et de bio. Ses produits sont trop ciblés pour la plupart des réseaux de vente physiques, ils trouvent cependant un débouché naturel sur le web.
A contrario, les marques traditionnelles sont souvent à la peine sur le e-commerce, faute de moyens et de compétences. Elles ne maîtrisent pas l’expérience utilisateurs et gèrent mal le web marketing. Elles offrent au client digital peu d’avantage en matière de prix et de choix, les produits des marques traditionnels étant loin d’être aussi ciblés que ceux des DNVB.
En matière d’efficacité opérationnelle, les DNVB se sont d’emblée alignées sur les pratiques des champions du e-commerce. Les livraisons sont rapides, souvent en 48h sur toute l’Europe. Le service client est hyper-réactif et répond dans les 2 heures, un autre point dont ferait bien de s’inspirer les marques traditionnelles.
Faire une révolution culturelle sur la communication
Création du siècle, en rupture, les DNVB font prendre un coup de vieux aux marques traditionnelles. Elles incarnent les valeurs de leur époque : soucis de l’environnement, fun, sens de l’humour… Parce qu’elles ont tout à gagner, elles osent aussi prendre des risques, à l’instar du Slip Français qui communique sans complexe sur un sujet intime. Les DNVB se donnent le droit de ne pas plaire à tout le monde et c’est ce qui plait.
Les DNVB crèvent l’écran sur le digital, bien mieux que leurs marques traditionnelles plus à l’aise sur les formats TV ou Presse. Le storytelling est dense, souvent personnalisé autour du créateur. Le produit est décrit avec un luxe de détails inouï ce qui permet de compenser l’absence de réseau physique. Les contenus texte, images, vidéos sont riches. Le site Bonne Gueule se présente avant tout comme un blog, avec un onglet shopping, l’inverse de nombreuses marques.
Les réseaux sociaux notamment Instagram sont souvent l’axe central de communication pour les DNVB. Ils permettent de cibler de façon précise et de créer un dynamique communautaire. Pour les marques traditionnelles, la difficulté n’est pas technique mais culturelle. Elles doivent descendre de leur piédestal, et accepter d’établir un dialogue honnête et fréquent avec leur public. Afin d’être audible dans un monde surchargé d’information, elles devront aussi prendre des risques sur les thèmes éditoriaux traités et sur la tonalité d’expression.
Repenser la conception produit
Chez les DNVB, la co-construction des produits avec les futurs clients n’est pas un artifice marketing, c’est bien une réalité. Nomatic a interrogé des milliers d’utilisateurs pour scanner le contenu d’un sac à dos des trentenaires. Le sac qui en résulte intègrent des rangements pour tous objets culte du public visé : ordinateur portable, batterie, téléphone, gourde…Un rêve de millénial !
Les DNVB sont les grands gagnants de la révolution industrielle majeure qui s’est opéré depuis 30 ans et qui permet de fabriquer en Asie de produits de qualité, sur des séries courtes. Un passage sur le site Kickstarter, la rampe de lancement de nombreuses DNVB, permet de voir l’étendue de ce nouveau monde. Depuis quelques années, une robotisation grandissante ouvre désormais la voie à la personnalisation des produits, un domaine peu investi par les marques traditionnelles. La marque Ioma fournit ainsi des cosmétiques sur-mesure, un avantage réservé autrefois à une élite restreinte.
Les marques traditionnelles sont nées de l’industrie de masse, de la télévision et de l’explosion de la grande distribution. Les DNVB sont issues des marketplaces, des réseaux sociaux. Les marques anciennes qui résisteront sauront s’inspirer des DNVB pour trouver l’élixir de jouvence. Yema, une ancienne marque française relancée récemment, est un exemple.
Face un consommateur saturé d’offres, les DNVB apporte un supplément d’âme, un storytelling qui fait rêver. Elles répondent à cette soif de différentiation qui s’impose comme un idéal de civilisation. Les DNVB font grimper le client sur la pyramide des besoins de Maslow, vers la réalisation de soi. Pour cette raison, elles ont de l’avenir.