Les proofs of concepts, ou POC, sont à la mode. Ils désignent, dans l'univers de la transformation digitale, des projets menés rapidement et avec peu de moyens afin de valider une intuition stratégique. Les entreprises en usent et en abusent avec des résultats parfois aléatoires.
Le succès des POC : les bonnes et mauvaises raisons
En théorie, le POC présente bien des avantages. Il permet de tester en grandeur nature un concept, tant en ce qui concerne l’appétence du marché que sa réalisation opérationnelle. Le POC permet d'accélérer la mise en œuvre d’une innovation en contractant 2 étapes en une : la phase d’études et la mise en œuvre opérationnelle surviennent dans le même temps.
En ce sens, le POC peut catalyser la conduite du changement en inscrivant les équipes dans une logique d’action. Autre intérêt du POC : la précision des retours marketing. Dans le digital comme dans toute problématique d’innovation, il est difficile pour les clients potentiels de se projeter sans voir concrètement les fonctionnalités précises qu’on cherche à vendre. Le POC, par son côté opérationnel, permet d’appréhender précisément les réactions clients là où les approches classiques d’études par questionnaire ont leurs limites.
L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Il existe des côtés sombres au POC qui relèvent parfois de l’alibi un peu facile. Selon notre expérience, sa finalité première est parfois de rassurer l’actionnaire, la hiérarchie, en deux mots, de communiquer. Le Poc permet aussi d’éviter de réfléchir aux fondamentaux de toute entreprise quelle soit digitale ou pas : quels sont les besoins clients ? Quelle est ma proposition de valeurs ? Quels sont mes leviers de différentiation ?
Le digital abonde de success stories, il est aussi un miroir aux alouettes. La concurrence dans l'innovation est acharnée. Dans ce sens, le POC flirte souvent avec la pensée magique : on lance un projet pour faire rêver, mais sans avoir pensé aux soubassements économiques.
Pourquoi ils échouent souvent…
Réalisés à la va-vite, les POC soufrent souvent d’une mauvaise conception. Dans le digital plus qu’ailleurs, 80 % des efforts c’est parfois 0% du résultat. Déçu par l’absence totale de ventes, un fabricant de matériel de haute précision nous a sollicité pour l’audit d’un proof of concept sur un site e-commerce de vente directe récemment lancé en mode ‘POC’. Le site développé en offshoring n’était pas fonctionnel (impossible d’acheter malgré notre meilleure volonté) mais surtout, il n’avait reçu qu’un centaine de visiteurs en un mois (dont une large partie issue de l’équipe projet).
De façon malheureusement typique, le budget alloué au POC avait été tellement réduit qu’il ne permettait aucun effort de promotion. Les POC sont souvent tellement peu financés qu’il est difficile de tirer des conclusions. Leur intérêt, qui consiste à tester le marché, est dès lors réduit à néants. Au pire on en vient même à disqualifier en interne le concept brillant du début, qui sera mis en oeuvre un jour, par les concurrents.
Les conseils pour ne pas rater un POC
L’art du POC réussi pourrait faire l’objet d’un ouvrage entier. On peut :
- Cadrer un minimum pour réduire les incertitudes… Le POC n’est pas la réponse à tout. Dans le digital, les analyses classiques ont leur mot à dire même si on doit adapter les méthodologies au caractère innovant de ce univers. Cette phase de cadrage peut être rapide (quelques semaines) mais elle est essentielle.
- Bien définir ce qu’il convient de tester. Étrangement, les POC dont le principal intérêt est de tester un concept font rarement l’objet d’un plan de tests précis. Définir un protocole d'étude est un prérequis. On doit en particulier définir les bons indicateurs et les moyens de collecter les données utiles.
- Réaliser un "minimum viable product" (MVP). Ce concept popularisé par Eric Ries l’auteur de Lean Start Up est essentiel. Le MVP désigne une offre limitée dans son périmètre mais parfaitement fonctionnelle et susceptible de satisfaire certains segments de marché. Il existe des moyens très simples de créer des POC peu chers et fiables. Le choix des outils est vaste. Il dépendra bien sûr de chaque projet, et des conclusions tirées des phases précédentes (cadrage et protocole de tests)
Par la suite on s’assurera évidemment de communiquer suffisamment sur le POC afin d’obtenir un retour statistiquement fiable. Si le résultat du Poc est concluant, une autre aventure pourra alors commencer, celle de lancement de la nouvelle activité...