Organisé chaque année par l’Électronic Business Group, le Digital Innovation 2018 a eu lieu mercredi 29 novembre, avec pour thème principal, les synergies innovantes entre marques et start-ups. Voici un retour sur cet événement, autour de 3 sujets traités en conférence : l’IA au service de l’expérience client, les communautés d’experts (IBBÜ) : la nouvelle relation client, et l’hypercompétitivité illustrée dans le marché des Telecoms.
À travers ces 3 conférences, nous avons souhaité vous présenter les choix et résultats de plusieurs entreprises, mais aussi aller plus loin sur les sujets afin de vous donner des idées de développement business.
L’IA au service de l’expérience client
Une conférence regroupant Akeneo, Cdiscount et Franprix.
Cela n’aura échappé à personne, le e-commerce est tellement en croissance (+13% au T1 2018 sur 1 an, +14,4% au T2 et 15,4% au T3) qu’il devient aujourd’hui incontournable. Pure players comme retailers investissent dans l’innovation digitale pour profiter au maximum de cette croissance. L’intelligence Artificielle est un choix privilégié dans cette course à la performance, notamment lorsqu’il s’agit d’améliorer l’expérience client.
Les algorithmes CDiscount
Cdiscount utilise par exemple un nombre important d’algorithmes pour offrir à ses 20 millions de clients, la meilleure expérience possible. Chaque visiteur se rendant sur le site est traqué, afin que le pure player sache ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas, ce qu’il achète, etc… Le Machine Learning fait ensuite son travail pour comprendre le profil et les goûts de chaque client individuellement, afin de lui proposer le meilleur parcours et les produits les plus adaptés à ses désirs. Ici la matière première, la donnée, qui nourrit l’IA, est la recherche des internautes. Par leurs clics, leur utilisation de la fonction recherche, l’IA est capable d’analyser la performance des produits, d’identifier les manques et les réussites et de hiérarchiser les produits dans les propositions faites. Cela permet aussi de proposer de nouvelles idées de requêtes aux utilisateurs en fonction de leurs préférences afin d’améliorer et de faciliter le parcours client.
L’Intelligence Artificielle intervient également en amont du processus d’achat. Des algorithmes permettent de classer les produits, et d’identifier ceux à retirer de la marketplace (contrefaçons, fraude) grâce à la reconnaissance d’image. Le site de cagnotte collaborative Leetchi a également mis en place ce système afin de détecter les projets frauduleux.
IA & e-commerce chez Franprix
De son côté, Franprix a pris le virage du e-commerce tardivement, par rapport à ses concurrents. Mais l’enseigne a choisi un positionnement fort et plusieurs éléments de différenciation. Elle a par exemple noué des partenariats avec les nouveaux acteurs que sont JustEat, Deliveroo et Glovo, spécialistes de la livraison. À travers ça, Franprix n’a pas cherché à juste offrir une plateforme à ses clients actuels mais également à en gagner de nouveaux grâce au digital. La filiale de Casino a tout de suite intégré l’Intelligence Artificielle à son parcours client. En réfléchissant très tôt au voice commerce, elle a pu construire sa plateforme de manière optimisée. Elle utilise également l’IA pour construire son e-merchandising en fonction des attentes clients observées et ainsi faciliter leur parcours. Enfin, elle a mis en place un chatbot via Messenger, qui permet aujourd’hui de constituer son panier avant d’être redirigé vers l’app, et où l’on pourra demain effectuer son paiement directement.
Les communautés d’experts : la nouvelle relation client
Une conférence proposée par l’agence IAdvize et The Kooples.
Aujourd’hui, la clef du marketing réside dans la relation client. Avec le développement de la data, des CRM, ou autres DMP, il devient possible (et même nécessaire) d’offrir à son client une expérience personnalisée pour l’engager et le fidéliser. Le meilleur moyen, après analyse des données disponibles, est de lui proposer une « conversation », c’est-à-dire un échange qui apparait comme personnalisé, en one to one. Et pour que cette conversation soit efficace, elle doit respecter 4 points essentiels :
• Au meilleur des moments : quand le visiteur en a besoin, en termes de navigation ou en temps réel
• Avec un expert passionné : soit la meilleure des personnes pour conseiller le visiteur
• Une conversation à la fois riche, simple, naturelle et rapide
• Une conversation qui va être profitable au visiteur
La communauté IBBÜ
Ces dernières années, se sont développées des communautés d’experts censées améliorer l’expérience client à travers des conversations qualifiées avec les visiteurs. IBBÜ fait partie d’entre elle. IBBÜ c’est une plateforme qui propose de mettre en relation des personnes lambda passionnées par un sujet avec des marques. Ces personnes deviennent alors une force de vente externalisée pour la marque, qui les sollicite à souhait lorsqu’elle en a besoin.
Comment cela fonctionne ? Côté expert, tout passionné d’un sujet (mode, sport, littérature…) s’inscrit sur la plateforme en détaillant son hobby. Elle est ainsi classée dans des catégories spécifiques et sera rémunérée par les marques faisant appel à elle.
Côté marque, en fonction de son secteur d’activité, on peut piocher dans la communauté d’experts afin de mandater des passionnés pour créer une relation entre l’utilisateur la marque.
Ce recrutement d’experts externes à plusieurs avantages :
• Une vraie spécialisation sur le sujet, qui leur permet de parler au visiteur avec passion
• Une rémunération à l’objectif ce qui offre de la flexibilité
• Une certaine liberté de ton de la part de l’IBBÜ, car le lien avec la marque n’est pas ténu
• Couvrir les périodes où la force de vente interne n’est pas là (matins, soirs, weekends)
• Et ainsi ne plus manquer d’opportunités de contacts
• Créer un lien plus facilement qu’avec une force de vente interne
L’exemple The Kooples
Mais est-ce réellement efficace ? Quel ROI peut-on espérer ? Depuis plusieurs années, la marque de prêt-à-porter The Kooples a choisi de faire appel à la communauté IBBÜ pour animer son site e-commerce.
Tout est parti d’une analyse fine des ventes de la marque. En observant que les pics de visite du site e-commerce étaient le matin, le midi et surtout le soir et les weekend, The Kooples a vite compris que ces périodes correspondaient aux moments où sa force de vente était absente. Et comme la législation française ne permet pas encore un aménagement total des temps de travail, ces périodes, pourtant privilégiées par les visiteurs, n’étaient pas couvertes par les personal shoppers de The Kooples.
La marque a ainsi fait appel à la communauté pour dans un premier temps couvrir ces instants de consommation. Elle a mis en place un process qui lui permet un sourcing, une sélection et une animation de profils externes. Elle a défini un profil type d’experts (caractéristiques, centres d’intérêt, personnalité…), a sélectionné des personnes, leur a fait passer des tests (quiz, cas pratiques), pour ensuite choisir les IBBÜ qui seront amenés à interagir avec les visiteurs du site. Le tout en 3 semaines !
Aujourd’hui, c’est tout une équipe d’IBBÜ qui est en renfort des 4 personal shoppers de The Kooples. Elle est à disposition de la marque pour toutes les périodes où elle en a besoin. Anticipées par l’Intelligence Artificielle, ces périodes sont en fonction des pics de consommation, des taux d’occupation des salariés ou encore des opérations décidées par la communication. IBBÜ permet ainsi d’aligner commerce, marketing et relation client au sein d’une marque, grâce à un fonctionnement intra service. The Kooples a choisi de rémunérer ses experts au contact créé (une conversation lancée sur le site). Elle souhaite ainsi que le passionné ne soit pas un vendeur mais un conseiller pour le visiteur. Il n’y a pas d’incentive sur le chiffre d’affaires généré, donc pas de vente forcée, donc pas de biais commerciaux. Le visiteur est ainsi orienté vers son véritable besoin, peu importe le montant de la commande généré.
En termes de ROI, les résultats sont stupéfiants. En premier lieu, le taux de couverture est évidemment meilleur. Mais c’est surtout les taux de contact et de conversion qui ont bondi à la suite de ce projet. Par exemple le retour sur investissement net (coût du service relation client vs chiffre d’affaires supplémentaire) a été multiplié par 10. La qualité, via la notation des conversations, a également été améliorée. Et la marque a observé que les clients en relation avec les IBBÜ avait un meilleur taux de réachat. Enfin, cette « concurrence » externe a permis une vraie émulation au sein des conseillers The Kooples, ne souhaitant pas voir des externes dépasser leurs résultats.
Hypercompétitivité : comment s’en sortir ?
L’hypercompétitivité gagne de plus en plus de secteurs de l’économie actuelle. S’il devient de plus en plus compliqué de « disrupter » (car tout le monde « disrupte ») pour se faire une place sur un marché, les marques doivent trouver de nouveau relais de croissance sur des marchés de plus en plus saturés.
Alain Weil, le PDG d’Altice Europe (SFR, RMC, BFM…) donne des pistes, applicables ailleurs, via le marché des Télécom.
D’un marché en croissance à un marché saturé
Tout a commencé avec l’arrivée de Free sur le marché des opérateurs télécom. Profitant d’un marché en pleine croissance, la marque a choisi une stratégie lowcost afin de gagner rapidement des abonnés pour se faire une place immédiatement. C’est l’un des problèmes d’un marché où les innovations majeures ne dépendent pas de la marque elle-même, mais des infrastructures (3G puis 4G et bientôt 5G, ADSL puis fibre…). Pour pénétrer un marché oligopolistique rapidement, il faut rompre avec ses codes, et le faire de la manière la plus visible pour le consommateur, ici le prix et la durée d’engagement. Évidemment, les concurrents que sont Orange, Bouygues ou SFR n’ont pas tardé à répondre, en créant tous une seconde marque moins chère, pour la téléphonie et l’Internet, se calquant sur les prix du nouvel entrant. C’est le début de l’hypercompétitivité.
Aujourd’hui, Free ne recrute plus et doit changer sa stratégie. La marque est en difficulté et compte énormément sur sa Freebox 7 (sortie ce 4 décembre) pour retrouver une marche en avant. À l’opposé de son concept initial, la dernière-née des Freebox mise d’ailleurs sur une prémiumisation de son offre, en intégrant un assistant vocal Free + Amazon Alexa, un abonnement à Netflix inclus et un son Devialet, unanimement considéré comme la meilleure marque d’enceinte au monde.
À l’opposé, Orange, SFR et Bouygues ont regagné des parts de marché. Orange et SFR sont d’ailleurs les deux seuls opérateurs en cashflow positif, ce qui leur permet une capacité d’investissement importante. SFR a par ailleurs la particularité d’appartenir à un véritable groupe média, avec des chaînes de télévision, des stations de radio, des titres de presse, ce qui lui autorise des innovations d’un autre genre. Le redressement ces dernières années de la marque SFR doit ainsi plus aux produits complémentaires qu’elle a su offrir (SFR a battu les records de recrutement depuis le gain des droits de diffusion de la Champions League de football), que par son offre lowcost RED.
Le marché des télécoms, une belle leçon de stratégie marketing
Au sein de marchés en croissance, il y a deux solutions pour s’intégrer rapidement : proposer une qualité de services similaire à un prix moindre, ou proposer une qualité de services innovante et meilleure que l’existant. La première solution est souvent privilégiée. Le lowcost a d’ailleurs fait ses preuves dans de nombreux domaines : les télécoms, mais aussi la grande distribution (Lidl), l’automobile (Dacia), le smartphone (Huawei), le voyage (Raynair, Lastminute), etc… Mais dès que le marché devient mature, avec notamment un bon nombre d’autres acteurs lowcost, le prix ne fait plus la différence.
Il faut alors trouver des moyens des différenciations. Certains optent par un élargissement de leurs gammes de produits quitte à sortir de son cœur de métier (Lidl et le petit électroménager). D’autres reviennent en arrière et prémiumisent leurs offres (Free mais aussi Ikea avec la gamme Stockholm). Mais la solution actuelle qui a le plus de succès est d’innover dans son business model. On l’a vu, SFR, via la chaîne RMC Sport, inclut une offre sport qui, seule, est déficitaire. Mais elle lui permet un tel gain de part de marché, que cela lui est profitable au global.
Le meilleur exemple est sans doute Amazon. La marketplace géante a systématiquement cassé ses prix et rogné ses marges afin de devenir l’incontournable portail e-commerce mondial. Si bien que l’activité e-commerce n’a jamais été véritablement rentable. Ce sont deux autres piliers, la publicité et AWS (Amazon Web Service, la plateforme cloud) qui lui assure la plupart de ses revenus. La firme de Jeff Bezos a su créer deux gigantesques machines à cash lui permettant de financer son cœur de métier et d’y appliquer des pratiques insoutenables pour d’autres e-commerçants (livraison gratuite sans minimum d’achat pour les clients Prime, prise en charge systématique de la logistique, livraison en 1h à Paris, etc…).
Quoiqu’il en soit, quelle que soit la façon, c’est l’innovation qui démarque les entreprises. Soit dans la manière de proposer ses produits, soit dans le business model, soit grâce au digital et à l’Intelligence Artificielle, les entreprises qui investissent et prennent des risques seront récompensées à condition de faire les bons choix.