Réunissant 3600 exposants, l’édition 2016 du CES de Las Vegas restera marquée par une euphorie festive qui évoque une ambiance de ruée vers l’or. Nous sommes bien dans le Nevada, l’une des premières régions aurifères du monde. Globalement, la visite du salon est riche en signaux forts, signaux qui dessinent un monde en mutation ultra rapide. Que peut-on retirer de cette effervescence ? Quelles sont les tendances de fond entre innovations majeures et gadgets plus ou moins hasardeux ? Analyse à chaud et forcément un peu sélective.
1. L’accélération de l’innovation : toujours mieux, toujours moins cher
Le CES fait penser au film Retour vers le Futur, pas seulement en raison de la multitude d’hoverboards (sorte de planches à roulettes motorisées) qu’on trouve maintenant à bas prix. Le rythme de l’innovation s’est réellement accéléré. Longtemps considérée comme un pur fantasme, la voiture autonome devient par exemple une réalité. On voit aussi ces progrès s’accomplir sur les « best sellers » du salon : objets connectés, domotique, santé, impression 3D, réalité augmentée, robotique, drone… Les technologies ne sont pas nouvelles la plupart du temps mais elles sont en amélioration constante, à des prix toujours plus abordables.
Le digital draine désormais des investissements massifs. Les réussites économiques des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) puis des NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, et Uber) ont dopé les investissements dans les startups. Depuis quelques années, la crainte obsessionnelle de l’uberisation a convaincu les grands groupes d'investir franchement dans l’innovation digitale. La création d’écosystèmes et les progrès conjugués du hardware et du software permettent encore d’accélérer le rythme de l’innovation.
2. La globalisation de l’innovation, l’essor de la Chine
L’innovation a longtemps été localisée dans la Bay Area (anciennement Silicon Valley) ou à New York. On croise désormais de nombreuses startups issues de nouveaux bassins technologiques américains, tels Austin ou Detroit, qui semblent renaitre de leurs cendres. Beaucoup d’acteurs viennent également d’Europe (UK, Allemagne, Suisse), d’Asie (Corée, Japon), d’Israël. Ces startupers imprégnés des mêmes références partagent une culture commune, un jargon identique et des ambitions d’emblée internationales.
La French Tech fait excellente figure avec ses 128 startups, parmi lesquelles on trouve de vraies pépites. En revanche, on peut rester sur sa faim concernant la présence des grands groupes français qui restent trop peu présents, à quelques exceptions près, dont la Poste, Engie et Valeo.
La Chine représenterait un tiers des exposants du salon. Elle est largement présente sur le salon depuis longtemps au titre d’atelier du monde. Le salon abrite des allées complètes de fournisseurs, capables d’assurer pratiquement toutes les étapes d’un projet, du prototypage à la production de masse. Ce qui change, c’est la présence grandissante de sociétés chinoises qui innovent sur le design, le marketing et la marque. Bien souvent, ces initiatives sont maladroites mais l’apprentissage est rapide. La société Emoi qui fabrique pour la maison des objets connectés particulièrement élégants est un exemple de réussite.
3. L’essor du crowdfunding : trois fonctions en une
L’espace Eureka, dédié aux startups émergentes mériterait à lui seul plusieurs journées d’exploration. Indiegogo, l’une des plateformes de crowdfunding (financement participatif), y occupe un bel emplacement. Au cours de la visite, on rencontre de nombreuses startups qui n’en sont qu’à l’étape du prototype (souvent réalisé grâce à des imprimantes 3D) et qui viennent ainsi préparer leur levée de fond.
Le crowdfunding est passé dans les mœurs. Il permet de grouper 3 étapes en une seule : mettre au point un produit, trouver des clients, financer le projet. Ce mode de financement permet de faire émerger des projets étonnants par leur diversité. C’est également un facteur d’accélération de l’innovation.
4. Des objets connectés enfin utiles ?
L’essor du digital mobile a fait l’objet d’un buzz important au début des années 2000, bien avant la généralisation effective de son usage, plus de 10 ans plus tard. L’adoption des objets connectés sera vraisemblablement plus rapide, plusieurs facteurs expliquant cette accélération :
- une réduction régulière des coûts.
- la miniaturisation croissante des composants. Samsung, dans l’excellente keynote du Dr. WP Hong, annonce des batteries plus fines, flexibles et presque instantanément rechargeables.
- la multiplication de capteurs divers et variés. La société Breathe Up fabrique ainsi un objet qui analyse la qualité de l’air. On trouve aussi des capteurs miniatures de glycémie (Dexcom).
- l’essor des technologies de communication comme alternative au classique trio Wifi – Bluetooth – Gsm. Sigfox (une belle société française) propose un réseau de connexion des objets connectés à faible consommation et à faible coût. Actility propose une offre assez similaire.
- le progrès sur la couche software. La startup nantaise MicroEJ offre un système d’exploitation stable, facile à utiliser et qui permet des mises à jour rapides.
La révolution des usages n’en est qu’à son début. On trouve sur le salon de quoi connecter tout et n’importe quoi (ce qui est souvent le cas d’ailleurs). Ajouter un capteur à son chien (voir la société Pitpat) peut être utile. Utiliser une gourde connectée (qui permet de mesurer ce que l’on boit) peut sembler plus anecdotique. Une chose est sûre : les usages les plus intéressants ne sont sans doute pas encore identifiés et la baisse des prix rendra le rapport coût / bénéfice des objets connectés plus attractif pour le public.
5. Un monde virtuel toujours plus réaliste et plus accessible
Le virtuel devient de plus en plus réaliste. Les écrans 4K ultra haute définition sont mis en avant par Samsung et LG. Les rendus sont effectivement impressionnants.
Les masques 3D permettant une navigation immersive obtiennent toujours beaucoup de succès. Rien de fondamentalement nouveau mais les produits sont mieux conçus et moins chers. Samsung et Microsoft (HoloLens) sont sur les rangs.
Les interfaces deviennent de plus en plus naturelles, que ce soit avec des gants interactifs (Ziro) ou des détecteurs de mouvements (Bixi).
6. La quête de sens (Content is king, context is king)
Nick Woodman, fondateur de la société GoPro, annonce que sa société se positionne désormais dans l’industrie du contenu. GoPro souhaite développer un service de diffusion pour mettre en scène les productions de ses utilisateurs.
Dans une offre souvent pléthorique, les contenus et les algorithmes seront les facteurs essentiels de différentiation. La prise en compte d’une masse grandissante d’information permet ainsi de développer la valeur d’usage. La société Prizm propose un boîtier élégant qui permet d’adapter sa musique au niveau sonore, à la luminosité de la pièce mais aussi aux occupants présents détectés par leur portable. Le boîtier se connecte sur Deezer pour tenir compte des goûts personnels. La société Ween améliore la gestion du thermostat en obtenant des informations géolocalisées sur les habitants de la maison. Si le système reconnaît que l’habitant d’une maison est encore au bureau à 19H, il retarde par exemple la mise en route du chauffage de la maison.